La République démocratique du Congo (RDC) est au seuil d’une crise politique profonde et historique, à l’issue très incertaine et aux conséquences sûrement imprévisibles pour la paix et la stabilité dans la sous-région d’Afrique centrale.

Le président Joseph Kabila, en fonction depuis une quinzaine d’années après avoir succédé à Laurent-Désiré Kabila en janvier 2001, arrive au terme de son dernier mandat le 20 décembre 2016.

Les sénateurs, les députés provinciaux, les gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces ont vu leurs mandats reconduit de facto pour toute une législature, faute d’élection depuis 2012. Dans quatre mois, il en sera de même pour les députés nationaux dont le mandat arrive également à son terme.

La Commission nationale électorale indépendante (Ceni) – l’organe chargé d’organiser et d’administrer les élections – a montré ses limites à plusieurs égards et est incapable de convoquer le scrutin présidentiel en novembre prochain, comme le lui prescrit l’article 73 de la Constitution.

Le pays va bientôt se retrouver dans une situation où, de la présidence de la République aux gouvernorats des provinces, plus aucune autorité exerçant une fonction élective n’aura le pouvoir d’agir et de s’acquitter légitimement de ses responsabilités pour représenter et engager pleinement l’État congolais.

Nouvelles violences

Le bras de fer politique qui oppose actuellement la majorité présidentielle au pouvoir et le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement ne fait que commencer. Mais il a déjà atteint les limites d’un jeu politique adroit, habituellement reconnu dans un régime démocratique. Le pays court le risque de sombrer dans une nouvelle violence, beaucoup plus sanglante que celle du 19 et 20 septembre dernier à Kinshasa (plusieurs dizaines de morts, selon la mission des Nations unies au Congo).

La RDC pourrait replonger dans la spirale des conflits armés, si jamais le dialogue réellement inclusif pour trouver un compromis politique consensuel n’a pas lieu d’ici la fin du mandat de Joseph Kabila.

En effet, même si le scrutin présidentiel avait lieu comme prévu, la constitution congolaise interdit au président Kabila de se représenter pour un troisième mandat, mais ce dernier ne donne aucun signe qui laisse penser qu’il serait prêt à quitter le pouvoir.

L’homme est resté insensible aux appels de la communauté nationale et internationale pour clarifier sa situation après son dernier mandat, pour apaiser la tension politique dans son pays. Son attitude inquiète de nombreux Congolais qui voient là une volonté manifeste de recourir à la politique de la terre brûlée.

Dialogue ou monologue ?

Pour contrer cette attitude belliqueuse, il est nécessaire que les forces politiques en présence – majorité présidentielle et Rassemblement des forces politiques acquises au changement – définissent un cadre politique clair, et conviennent d’un accord accepté par tous. Un cadre qui permette notamment d’assurer la gestion consensuelle du pays et le bon fonctionnement des institutions dans un laps de temps relativement court afin d’organiser le plus rapidement possible des élections démocratiques, et ce, dans un climat apaisé.

Mais devant l’impossibilité pour l’ex-Premier ministre togolais Edem Kodjo de concilier les points de vue divergents des deux parties, et de réussir à les rassembler autour de la table des négociations, la communauté internationale devrait, de toute évidence et en toute responsabilité, se raviser en requalifiant son appui à un dialogue qui, en réalité, est un monologue entre les membres d’une même famille politique élargie, qui harmonisent leurs réflexions et leurs actions communes pour conserver le pouvoir.

Ceci dit, le fait de vouloir coûte que coûte maintenir son appui à un dialogue aujourd’hui séché par les grandes composantes de la société civile et l’Église catholique, risquerait d’aggraver la situation conflictuelle qui règne déjà au sein de la classe politique congolaise.

Nous sommes de ceux qui pensent que le groupe international de soutien à la facilitation du dialogue national (composé des Nations unies, de l’Union africaine, de l’Union européenne et de l’Organisation internationale de la Francophonie) peut encore sauver la mise. En jetant son dévolu sur une autre personnalité neutre, intègre et extrêmement crédible et respectée pour assurer la médiation et faciliter la communication entre les parties en présence, pour un dialogue national réellement inclusif.

Kofi Annan, l’homme de la situation

Ancien secrétaire général des Nations unies et prix Nobel de la paix en 2001, Kofi Annan est l’une des rares personnalités africaines et internationales qui inspire confiance et connaît bien la genèse de la problématique congolaise, qui remonte au génocide rwandais de 1994.

C’est du temps où il était secrétaire général des Nations unies que la classe politique congolaise et les forces vives de la société civile s’étaient réunies dans un dialogue inter-congolais à Sun City, en Afrique du Sud, pour conclure un accord en décembre 2002, mettant en place un nouvel ordre politique fondé sur une nouvelle constitution démocratique, actuellement en vigueur.

Avec M. Annan comme facilitateur, il est possible que le dialogue politique véritablement inclusif, voulu par les uns et les autres, prenne un tournant décisif.

Kofi Annan est rompu aux techniques de négociation internationale et peut mener à bien une mission de médiation et de facilitation dans un contexte complexe et difficile. Il a déjà été impliqué personnellement, avec beaucoup de volontarisme, lorsqu’il était en fonction, et connaît bien les acteurs qui tirent les ficelles, tant au niveau national que sous-régional.

Même dans sa retraite dorée, Kofi Annan,  président d’Africa Progress Panel, suit attentivement l’évolution de la situation politique, économique et sécuritaire du continent et en particulier dans la région des Grands lacs.

Avec M. Annan comme facilitateur, il est possible que le dialogue politique véritablement inclusif, voulu par les uns et les autres, prenne un tournant décisif et aboutisse à un compromis politique permettant de combler le vide laissé au sommet de l’État, le 20 décembre 2016.

Croisons les doigts et espérons que les souhaits de nombreux Congolais et amis du Congo se concrétiseront, et qu’un jour ce pays béni de Dieu pourra instaurer la démocratie, le respect des droits de l’homme et des principes de l’État de droit pour finalement permettre à son peuple de jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

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