Cette charge, fixée à l’article 211 de la Constitution, est de la Céni. Adversaires du Chef de l’Etat et les pourfendeurs de la Centrale électorale ne l’évoquent cependant jamais, comme pour manipuler la rue…

 

Dimanche 20 août 2017. En sa qualité d’Autorité morale de la MP, Joseph Kabila échange avec une délégation conduite par le secrétaire général Aubin Minaku. Au menu : la question électorale. L’occasion est mise à profit pour débattre du rapport du Centre de coordination électorale. Recommandation principale du Raïs à l’issue de séance de travail : «Il faut que le MP se prépare aux élections dès maintenant, non seulement pour être présente, mais surtout pour les gagner». Exhortation-clé : «Ne vous faites pas distraire par les sirènes qui cherchent à tromper l’opinion». En clair, l’Autorité morale confirme sa détermination d’aller au bout du processus électoral. Nuance à saisir et à comprendre : les signataires du Manifeste du Citoyen Congolais réunis à Paris quarante-heures plus tôt ont fait le constat fallacieux selon lequel «Joseph Kabila n’organisera pas les élections». Motif pour eux d’appeler les Congolais à «se lever pour l’empêcher de se maintenir au pouvoir». Constat malheureux : ces signataires défendent une Constitution qu’ils massacrent pourtant au fil des prestations…

 

A preuve : en ses alinéas 2 et 3, l’article 211 de la Loi fondamentale dispose que «La Commission électorale nationale indépendante est chargée de l’organisation du processus électoral, notamment de l’enrôlement des électeurs, de la tenue du fichier électoral, des opérations de vote, de dépouillement et de tout référendum. Elle assure la régularité du processus électoral et référendaire». A preuve encore : l’article 3 de la loi organique n°10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Céni dispose que «La Céni est chargée de l’organisation de tout le processus électoral et référendaire. Elle en assure la régularité ». A preuve également : la loi organique n° 13/012 du 19 avril 2013 modifiant et complétant la loi organique n° 10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Céni. Elle maintient l’article 3 précité.

A la lumière de cette démonstration, il est impératif, pour une meilleure communication, d’attirer l’attention de la communauté nationale et internationale sur les responsabilités de l’Exécutif (Président et Gouvernement de la République), du Législatif (Assemblée nationale et Sénat) et, évidemment, de la Céni.

On sait, par exemple, que le Gouvernement a dans ses prérogatives :

– l’initiative des lois liées aux échéances électorales (d’ailleurs concomitamment avec le Député national et le Sénateur, selon l’article 130 de la Constitution) ;

– le financement du processus électoral et

– la sécurisation des élections (candidats, électeurs, observateurs et la Céni, dont les agents électoraux et la logistique).

Le Président de la République a dans ses prérogatives :

– la promulgation des lois dûment adoptées par l’Assemblée nationale et le Sénat ;

– la promulgation des ordonnances d’investiture des membres de la Céni et

– la sécurisation des élections avec le concours du Gouvernement étant donné qu’aux termes de l’alinéa 3 de l’article 91 de la Constitution, «La défense, la sécurité et les affaires étrangères sont des domaines de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement».

Tandis que l’Assemblée nationale et le Sénat initient les lois (de même que le Gouvernement), conformément à l’alinéa 1 de l’article 130 de la Constitution selon lequel «L’initiative des lois appartient concurremment au Gouvernement, à chaque député et à chaque sénateur».

Dans cette optique, un député ou un sénateur appartenant à l’Opposition politique peut, au même titre que son collègue de la Majorité ou un ministre, initier l’une ou l’autre des lois indispensables à la tenue des élections. Entre autres la loi électorale et la loi sur la répartition des sièges.

Par ailleurs, se fonder sur l’article 69 pour dire du Président de la République qu’il est tenu au devoir du «respect de la Constitution» et à celui d’assurer «par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l’Etat», revient à proprement parler à user d’un abus de langage quand il s’agit d’engager sa responsabilité dans la tenue des élections.

En effet, le respect de la Constitution signifie aussi reconnaître l’indépendance de la Centrale électorale. D’ailleurs, le sens de cette indépendance est circonscrit dans l’«Exposé des Motifs» de la loi organique n°10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Céni. Celle-ci, y lit-on, «est indépendante et dotée de la personnalité juridique» et «cette indépendance s’exerce notamment à l’égard des autres institutions de la République, mais n’interdit pas les rapports de collaboration qui s’avèrent nécessaires». Elle est aussi «impartiale et neutre dans l’exercice de sa mission» et elle «jouit de l’autonomie administrative et financière qui garantit son indépendance et sa neutralité».

Mieux, cette indépendance est assurée aussi par et pour le statut des membres. «Afin de garantir la transparence du processus démocratique, la majorité et l’opposition constituées au sein de l’Assemblée nationale participent à la désignation des membres de la CENI ; mais ceux-ci sont choisis parmi les personnalités indépendantes reconnues pour leur compétence, leur intégrité morale, leur probité, leur honnêteté intellectuelle, leur neutralité et leur impartialité. En d’autres termes, les membres de la CENI n’y représentent pas les intérêts des groupes qui les ont désignés. Ils sont, en effet, choisis en raison de leurs valeurs intrinsèques pour participer aux missions de la Commission afin de garantir la régularité des élections et du référendum», y lit-on. Et l’énumération conclut : «Ainsi, les modalités de désignation impliquant, naturellement, les forces politiques en présence, ne sauraient affecter l’indépendance et la neutralité des membres de la Commission».

Institutions d’appui à la démocratie

Cela étant dit, il est malhonnête d’engager la responsabilité de l’Institution «Président de la République», encore moins de Joseph Kabila Kabange, dans l’accomplissement par la Céni de ses 14 missions définies à l’article 9, entre autres, «organiser et gérer les opérations pré-électorales, électorales et référendaires notamment l’identification et l’enrôlement des électeurs, l’établissement et la publication des listes électorale, le vote, le dépouillement, la centralisation et l’annonce des résultats provisoires», à «transmettre les résultats provisoires à la juridiction compétente pour proclamation des résultats définitifs» et «contribuer à l’élaboration du cadre juridique relatif au processus électoral et référendaire».

Contrairement à ce qui se passe en Occident et dans certains pays africains, il ne revient pas au Gouvernement, ni au Président de la République d’organiser les élections. Au Dialogue intercongolais, cette charge avait été confiée à une Commission indépendante. C’était à l’initiative de l’Udps.

C’est dans ce contexte qu’au point V de l’Accord global et inclusif issu de ces assises, sont retenues au point 5, aux côtés des Institutions de la Transition, les Institutions d’appui à la démocratie que sont la «Commission électorale indépendante» (Cei), l’«Observatoire national des droits de l’homme» (Ondh), la «Haute autorité des médias» (Ham) et la «Commission de l’éthique et de la lutte contre la corruption» (Celc). Tandis que dans la Constitution du 18 février 2006, sont reconnues Institutions d’appui à la démocratie la «Commission électorale nationale indépendante» (Céni) citée à l’article 211 et le «Conseil supérieur de l’audiovisuel et de  la communication» (Csac) cité à l’article 212.

C’est sur base de l’alinéa 3 de l’article 222 que d’autres institutions similaires seront créées. Cas de la «Commission nationale des droits de l’homme» (Cndh) et, en cours, du «Conseil national du suivi de l’accord» (Cnsa).

C’est la Céni, et la Céni seule…

La clarification étant faite, il reste à constater que Joseph Kabila, agissant non pas en Président de la République mais en Autorité morale de la Mp, s’est adressé le 20 août 2017 aux siens. Ce n’est pas la première fois qu’il les prépare à l’enjeu électoral.

Déjà le 4 octobre 2015, il l’a fait devant 315 députés et 47 sénateurs ayant effectué le déplacement de Kingakati. Il leur avait demandé de s’apprêter pour le dialogue, mais aussi pour le processus électoral qui en sera l’aboutissement.

Le 9 octobre 2016, il  a réédité l’exploit. C’est à cette occasion qu’il va initier la mise sur pied d’une cellule de coordination électorale. «L’autorité morale a décidé aujourd’hui de la mise en place d’une cellule de coordination électorale de la majorité présidentielle. Dès demain, nous serons informés de la direction de cette cellule et de son organisation. C’est la décision la plus importante qui a été prise ce jour», a annoncé Aubin Minaku qui en a circonscrit le rôle, à savoir «aider les partis politiques de la majorité à disposer d’un schéma clair, des moyens suffisants pour gagner les élections».

Et le 20 août 2017, il a pris acte du rapport de cette cellule.

Il y a donc une constante dans le chef de l’Autorité morale qu’il est.

Pendant qu’on ne peut pas en dire autant dans celui de ses adversaires, il est un devoir citoyen de la part des partenaires du Raïs : arrêter de faire passer le Chef de l’Etat pour organisateur du processus électoral.

Le pouvoir organisateur est connu : c’est la Céni, et la Céni seule.

Omer Nsongo die Lema

@Congo 30 juin

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