Cet été, s’intéresse à l’amour avec les robots. Pour cette série, nous avons rencontré des hommes, en France et au Japon, qui entretiennent une relation intime, amoureuse parfois, avec un personnage virtuel

« Chéri(e), il faut que je te parle… Je t’ai trompé(e) avec un robot ». Une fiction, vous dites ? Cette scène qui rappelle vaguement la relation intime entre Joaquin Phoenix et une intelligence artificielle décrite dans Her de Spike Jonze pourrait devenir réalité. Alors que des gamers japonais tombent amoureux d’héroïnes de jeux vidéo (LovePlus sur Nintendo DS) et que des consommateurs se laissent séduire par des poupées gonflables à la manière de Lars and the real girl, des robots sexuels intelligents qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à un humain, s’apprêtent à toquer à la porte de nos foyers.

Le robot sexuel a tout d’un sex toy

Si on a des rapports sexuels avec des robots et s’ils peuvent discuter comme dans Westworld, les verra-t-on toujours comme de simples objets ? Accusera-t-on d’adultère un homme marié en plein ébats avec une poupée sexuelle intelligente ? Avant toute chose, pour Véronique Margron, théologienne et spécialiste d’éthique, il faut définir cette notion. « On ne s’aime pas pour être fidèle, on est fidèle parce que cette fidélité sert notre amour ».

« L’infidélité met d’abord en jeu la trahison d’une parole donnée », insiste l’auteure de Fidélité-infidélité (éditions du Cerf). Elle brise un contrat de confiance. Les fantasmes masturbatoires -et du coup le robot sexuel- n’ont pas grand-chose à voir avec tout ça. « Un fantasme est souvent de l’ordre de l’involontaire, il échappe à la personne », souligne Véronique Margron. La poupée gonflable, intelligente ou non, a tout d’un sex toy amélioré sur lequel on projette de l’affect. Une bonne branlette, rien de plus.

Et Laurence Devillers, enseignante-chercheuse au Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur du CNRS, semble du même avis. « Etre amoureux d’un robot revient à être amoureux d’un objet. La machine répond à un besoin unilatéral d’une personne qui peine à tisser des liens avec les autres. Dans la relation amoureuse, ce qui est intéressant c’est la réciprocité. » La sexualité est marquée par de la jouissance et par des frustrations.

Une relation de dépendance

La vie amoureuse est plus humaine si elle se déroule au sein d’une relation d’altérité. « Un rapport sexuel avec un robot se rapprocherait de la relation la plus fugace possible avec une prostituée ou avec quelqu’un dont vous vous servez comme unique objet », conclut Véronique Margron. Car le robot restera toujours une machine.Le fétichisme, l’attachement fort pour une chose, ne date pas d’aujourd’hui. Certains vouent une adoration pour les talons aiguilles, par exemple. De là à parler d’amour, il y a un pas.

Le fait que le robot ressemble à un humain, qu’il soit en mouvement, génère une empathie, à la manière du robot humanoïde Atlas, présenté par Boston Dynamics en 2016, capable de marcher dans la neige, de se relever après une chute, de s’adapter à des situations nouvelles.

« A la fin de la vidéo, il entre dans un garage et quelqu’un le pousse avec un baton pour le faire tomber, ça a choqué les gens », se remémore Laurence Devillers. « On projette qu’il souffre, mais il ne souffre pas. Le fait que l’objet soit en mouvement génère encore plus d’empathie », poursuit la chercheuse. Plus ils nous ressembleront, plus ce phénomène devrait s’accentuer, mais les humanoïdes n’ont pas d’intériorité, ils ne ressentent pas plus de douleur qu’une poupée démembrée par une petite fille. Au mieux, ils simulent la souffrance.

« Une infidélité à votre propre humanité »

Et si on tombe quand même amoureux? N’oublions pas que de nombreux japonais affirment aimer des personnages de jeux vidéo ou des poupées gonflables. Le robot est « un double qui répond à ce qu’on souhaite. Plus que de l’amour, c’est de la dépendance », pointe Laurence Devillers, spécialiste des interactions homme-machine. Mais, mine de rien, l’addiction peut constituer une tromperie si l’autre se sent mis à l’écart. « Délaisser la personne aimée avec laquelle vous avez décidé de faire le coeur de votre vie, c’est une forme d’infidélité », confirme Véronique Margron. Pour la théologienne, imaginer tomber amoureux d’un robot est « d’une infinie pauvreté ».

Aujourd’hui, la technologie n’est pas assez avancée pour reproduire toute la complexité d’une discussion humaine. On en est même très loin, mais d’ici 2050, tout peut changer. Les intelligences artificielles seront capables de faire illusion, prédit David Levy, auteur de Sex and love with robots. On ne fera plus la différence entre un robot intelligent et un esprit humain, même physiquement.

Coucher avec une machine qui nous ressemble, qui interagit comme nous et développer des sentiments amoureux pour elle, ça commence à sentir mauvais l’adultère, non ? « C’est une infidélité à votre propre humanité », observe Véronique Margron. Mais pour l’heure, tout cela reste de la science fiction.

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