En Afrique du Sud, l’ex-président Jacob Zuma comparaissait vendredi 6 avril devant un tribunal de Durban pour répondre des accusations de corruption, fraude et blanchiment d’argent. Sitôt les débats suspendus, Zuma a clamé son innocence devant plus d’un millier de militants venus le soutenir devant le tribunal.

L’ancien président de la République est jugé dans l’affaire des SpyTapes, une affaire de corruption lors de la signature d’un contrat d’armement avec le groupe français Thalès. Le dossier a été plusieurs fois repoussé en 2005, 2007 et 2009. Vendredi matin, il n’aura pas fallu un quart d’heure au juge Themba Sishi pour ordonner le renvoi du dossier : « Ce dossier est ajourné au 8 juin et les deux accusés sont libérés avec avertissement ».

Un renvoi fruit d’un accord entre les deux parties : d’abord pour préparer leurs arguments, mais aussi car Jacob Zuma a fait appel de la décision du procureur de la République de réinstaurer les charges contre lui, une décision politique, a-t-il dit devant ses sympathisants : « Ce procès recommence pour des raisons politiques. Les partis d’opposition n’ont pas de vraie politique. Leurs politiques c’est le néant. Ils n’ont pas d’arguments légitimes au Parlement, ni même pour remporter le moindre débat. »

Un énième report du procès perçu par les observateurs comme une occasion supplémentaire pour Zuma de gagner du temps. Ses partisans, comme Sibusiso, le soutiendront quoiqu’il arrive : « Tant que Jacob Zuma est poursuivi nous viendrons. Nous ne le soutenons pas car c’est Jacob Zuma, mais parce qu’on ressent que ce procès est injuste. »

Problème pour Jacob Zuma, si son appel est rejeté avant le 8 juin, il sera sûrement à court de munitions pour retarder l’échéance. D’autant plus qu’il devra sans doute payer ses frais juridiques seul, et non plus via les caisses de l’Etat.

■ Un procès qui va diviser l’ANC

Vendredi, plus d’un millier de sympathisants était présent devant le tribunal. Certains habillés aux couleurs du parti au pouvoir et brandissant des pancartes « Ne touchez pas à Zuma ». La direction du parti avait pourtant appelé ses militants qui souhaitaient lui apporter leur soutien à ne pas le faire au nom du mouvement.

Sous l’impulsion du président Cyril Ramaphosa, l’ANC tente de retrouver une certaine crédibilité auprès des Sud-Africains. Et de se dissocier de Jacob Zuma, embourbé dans les scandales.

Mais la réalité est que le parti est encore très divisé et Zuma bénéficie encore de nombreux soutiens. Pour l’analyste politique Lukhona Mnguni, l’ANC va avoir beaucoup de mal à rester neutre lors de ce procès, et ne pas être percu comme cautionnant les actions de l’ex-chef de l’Etat.

D’autant plus que Jacob Zuma est toujours représenté sur de nombreux posters. Et il fait campagne pour l’ANC dans sa province d’origine pour les élections prévues dans un an.

■ La comparution de Zuma, «tout de même une victoire»

Pour le militant anti-corruption Dale McKinley, cette brève comparution est un bon début : « Ce report est dans la continuité de ce que Zuma et son équipe font depuis 15 ans – c’est-à-dire tout faire pour éviter que la justice ne soit rendue. Malgré ce qu’ils prétendent, c’est-à-dire vouloir s’expliquer devant une cour, ils font absolument tout pour éviter cela. Donc il n’y a pas de surprise, c’est dans la continuité de leur stratégie juridique et politique – qu’ils ont surnommé la stratégie Stalingrad – faire traîner cette affaire jusqu’à ce que l’opinion publique se fatigue ou que la justice abandonne.

Mais c’est tout de même une victoire. Même si cela va prendre encore quelques années, les Sud-Africains obtiendront justice. Ça va être long, il s’agit de personnes qui ont beaucoup de pouvoir. Mais au final les Sud-Africains sont plus forts. Et c’est la leçon que Zuma a appris, quand il était président, et maintenant qu’il est au tribunal, qu’un jour ou l’autre, il va devoir répondre de ses actes. »

© Wab-infos avec RFI

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