En tant que président en exercice de l’Union africaine (UA), Paul Kagame avait engagé cette institution dans le processus électoral en République démocratique du Congo (RDC). La Cour constitutionnelle l’a devancé en publiant les résultats définitifs de la présidentielle. Les observateurs estiment que c’est un désaveu pour le chef de l’Etat rwandais. Et l’UA.

C’était une première. L’UA est connue pour sa timidité. Son apathie. Sa réticence à faire entendre sa voix dans les conflits post-électoraux sur le continent. Au point d’être considérée par les opposants comme « un syndicat garant des pouvoirs en place ». « Les chefs d’État et de gouvernement présents à la réunion ont conclu à des doutes sérieux quant à la conformité des résultats provisoires proclamés par la Commission électorale nationale indépendante avec les suffrages exprimés. En conséquence, les chefs d’État et de gouvernement ont appelé à la suspension de la proclamation des résultats définitifs des élections. »

Tels sont les termes du communiqué final de l’UA au terme de la réunion, le 17 janvier 2019 à Addis Abeba, des chefs d’Etat africains qui examinaient la situation post-électorale en RDC. Le même communiqué appelle les autorités congolaises à s’abstenir de proclamer les résultats définitifs des élections du 30 décembre 2018. Par la même occasion, l’UA « exhorte tous les acteurs concernés en RDC à interagir de manière positive avec la délégation africaine de haut niveau dans l’intérêt de leur pays et de ses habitants ». Bien plus, « le sommet demande instamment à la communauté internationale de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo », peut-on lire dans le texte.

Cette déclaration, que les participants congolais refusent de signer alors qu’ils étaient en salle, intervient alors que la Cour constitutionnelle congolaise ne s’est pas encore prononcée sur les recours qui lui ont été soumis. Et que, sur la base des « résultats provisoires » en sa possession, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) avait déclaré l’opposant Félix Tshisekedi vainqueur de la présidentielle avec 38% des voix, devant Martin Fayulu, un autre opposant, qui enregistre 34% et revendique la victoire, « avec plus de 60% des voix ». camer.be. Du coup, le candidat de Jean-Pierre Bemba et de Moïse Katumbi dénonce un « putsch électoral » du président sortant, Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, avec la « complicité » de Félix Tshisekedi. Martin Fayulu dépose alors un recours devant la Cour constitutionnelle, dont le verdict est attendu ce vendredi 18 janvier.

C’est sur ces entrefaites que le président rwandais, Paul Kagame, en tant que président en exercice de l’UA, veut jouer les intermédiaires au nom de cette institution. Il annonce alors la venue lundi 21 janvier 2019 à Kinshasa en toute urgence d’une délégation de haut niveau qu’il conduira en compagnie du président de la Commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki. Il s’agit de « dialoguer avec toutes les parties prenantes congolaises, avec en vue de parvenir à un consensus sur le moyen de sortir de la crise postélectorale dans le pays ».

Finalement, cette mission n’aura pas lieu. C’est que l’UA a été prise de vitesse par la Cour constitutionnelle congolaise, qui valide dans la nuit de samedi à dimanche l’élection de Félix Tshisekedi et rejeté le recours de l’autre opposant Martin Fayulu. Dans la foulée, Paul Kagame et le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki, sont désavoués par des poids-lourds de la scène diplomatique du continent qui félicitent sans attendre Etienne Tshisekedi. Il s’agit de l’Afrique du Sud, du Kenya, de la Tanzanie et du Burundi, « frère-ennemi du Rwanda ». Dans ce contexte, il devenait difficile pour l’UA de maintenir sa mission, sous peine d’étaler au grand jour ses divisions. Bien plus, Paul Kagame, qui craint qu’une instabilité en RDC se propage à ses frontières, a dû baisser pavillon.

Au final, l’UA publie un communiqué dans lequel elle dit « prendre note » de la décision de la Cour constitutionnelle et indique que « la visite de la délégation de haut niveau qui devait se rendre à Kinshasa (lundi) a été reportée ».

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