En RDC, la lutte contre la propagation du coronavirus se heurte au déni de l’épidémie, qui se traduit parfois par des violences verbales ou physiques.

« Il n’y a pas de coronavirus ! » A Kinshasa, la lutte contre la propagation du Covid-19 se heurte au déni de l’épidémie, qui commence à prendre des formes violentes sur fond de forte poussée des nouveaux cas. « Le coronavirus est une réalité, protégez-vous et protégez les autres ! », répète au mégaphone une volontaire de l’ONG catholique Caritas, Mamie Batata, en campagne de « sensibilisation » dans un quartier populaire de la capitale de la République démocratique du Congo (RDC). « Dégagez, fichez-nous la paix ! La maladie n’existe pas », lui répondent des habitants de Kimbanseke.

C’est dans cette même commune de Kimbanseke que le comité officiel chargé de la lutte contre le Covid-19 a annoncé, le 20 mai, la séquestration de trois de ses agents. Une autre équipe « a été menacée au couteau ». « On compte des séquestrations, des violences verbales, physiques, et même des menaces de mort », a ajouté le comité. En conseil des ministres, vendredi 29 mai, le ministre de la santé, Eteni Longondo, a « déploré la multiplication des incidents contre les équipes de la riposte » à l’épidémie.

Comme Caritas, les mouvements citoyens Lucha et Filimbi partent en caravane avec des messages de prévention et des masques à distribuer à travers la plus grande mégapole d’Afrique francophone (au moins 10 millions d’habitants). Place de la Victoire, dans le centre de la capitale, ou dans la commune périphérique de Selembao, des dizaines d’habitants les accueillent en faisant « non » de l’index et en hurlant « Corona eza te ! » (« il n’y a pas de corona », en lingala).

« Ici au Congo, il n’y a que la malaria et la simple fièvre. Le corona, c’est en Europe, en Chine. Nous avons des anticorps depuis nos ancêtres » affirme l’un d’entre eux, Hussein, à l’AFP. « Ce n’est pas vrai », lance-t-il quand on lui sort les statistiques officielles (3 070 cas et 72 décès, avec une moyenne de plus de 100 nouveaux cas par jour, en très nette poussée) : « Une maladie comme le coronavirus, il faut qu’il y ait des preuves et des images. » « J’apprends que la maladie existe, mais je n’ai vu personne dans mon entourage ou dans le quartier mourir de ça », renchérit Alphonse Mbelesadidi, un père de famille de 43 ans.

« On veut nous tuer à petit feu »

S’ils rejettent les messages de prévention, les Kinois se ruent sur la distribution des masques, dont le port est obligatoire. « Je vais le porter juste pour ne pas payer l’amende de la police », dit Marie-Louise Mamisa, vendeuse de pain dans les quartiers populaires près de l’aéroport de Ndjili. Une amende de 5 000 francs congolais (2,44 euros) est théoriquement prévue pour celles et ceux qui ne portent pas de masque ou de visière de protection – et ils sont nombreux.

Ce genre de mesures agace au plus haut point des hommes et des femmes affaiblis par l’état d’urgence sanitaire en place depuis le 20 mars. « On a fermé les écoles, les églises, les marchés. On veut nous tuer à petit feu. Dites au président de lever sa mesure, on n’en veut pas, on veut juste vivre », intervient une femme à Kimbanseke, vivement applaudie par la foule qui s’est rapidement formée autour d’elle. Les restrictions ont « accentué notre misère, avec une augmentation du banditisme », se révolte Pascal Aziza, un taxi-moto d’une trentaine d’années : « L’état d’urgence doit être levé, on en a marre ! »

« Les réticences peuvent être compréhensibles, analyse Mino Bomponi, du mouvement citoyen Filimbi. Il y a eu beaucoup d’ambiguïté dans la communication des autorités. » Exemple, selon lui : le ministre de la santé a cafouillé sur la nationalité du premier cas en RDC, le 10 mars, en annonçant qu’il s’agissait d’un Belge alors que c’était un Congolais vivant en France. Depuis, la population soupçonne les autorités de profiter du coronavirus pour « se faire des sous » auprès de leurs « partenaires extérieurs » : « Or la maladie est parmi nous, elle fait des morts, elle continue de se propager, poursuit Mino Bomponi. Le défi est effectivement d’éradiquer le doute qui est en train de grandir au sein de notre population. »

Coronavirus, Ebola, même combat ? Dans l’est de la RDC, à 2 000 km de Kinshasa, la lutte contre l’épidémie de fièvre hémorragique a également été perturbée par des résistances aux messages et aux pratiques de prévention et par des violences envers les équipes médicales. Un médecin de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été froidement abattu et plusieurs centres de traitement ont été attaqués. Cette autre épidémie a tué 2 280 personnes depuis août 2018. Les autorités espèrent en déclarer officiellement la fin le 25 juin.

Avec AFP

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