Depuis le début de la crise du Covid-19, le petit monde du football parle sur les affaires – ou les affres – de gros sous : des débats et des complaintes sur son modèle économique, sur la meilleure façon de sauver les meubles et/ou de reprendre les championnats coûte que coûte et quoiqu’il en coûte.

Devant cette grande peur des possédants du ballon rond (propriétaires des clubs, UEFA, sponsors, etc.), tout le monde semble prêt à brader l’essence de cette passion populaire. En une expression un peu pompeuse : à vendre son âme pour sauver le fond de commerce.

Le foot va-t-il perdre son âme ?

L’histoire du football fut plus chaotique qu’on ne le pense. Les recettes de son succès, de son audience, de sa popularité et de sa démocratisation dévoilent le précipité mystérieux d’un subtil secret d’alchimiste, fluctuant parfois selon les pays dans ses ingrédients magiques. Il n’en reste pas moins que tout ne se résume pas, loin de là, à la construction d’un secteur économique dynamisé par quelques capitaines d’industrie qui surent répondre à la demande bien mieux que leur concurrents (rugby, vélo, etc.).

Si l’importance du facteur commercial dans l’évolution de ce sport s’avère indéniable, cela ne justifie pas non plus un monopole style trademark pour assurer la mise en place des matchs dans les rayons du grand magasin de la culture mainstream. Au moment où le black out du sport a éclairé paradoxalement la fragilité de son système économique, certains pensent qu’il faut d’abord renflouer les caisses avant de songer à défendre les valeurs de la maison.

Consommer le foot sans l’aimer ?

Au fur et à mesure que la pandémie prenait de l’ampleur, les solutions proposées et les restrictions sanitaires ont de nouveau illustré cette perpétuelle incapacité des gardiens du temple, et de ses finances, à prendre en compte ce qui fonde cette religion laïque et singulière.

Les arguments hypocrites sur le fait que le foot doit revenir pour le moral des peuples dissimulent mal les obsessions comptables et les angoisses budgétaires (au passage, les clubs hexagonaux furent quand même bien secourus par la solidarité nationale). Il faut protéger les joueurs : passons à 5 remplacements, une idée saugrenue qui aurait fait rire voici trois mois quand la moindre réformette comme le carton blanc ou la touche au pied faisaient pousser des cris d’orfraie.

Le déconfinement débute et les risques d’une possible seconde vague tenaillent les esprits les plus optimistes. Il n’y a qu’a voir ces huis clos absurdes, ces sièges vides surplombant des remplaçants portant le masque, comme nous l’avons observé tristement en Allemagne samedi dernier. Oublie-t-on que les spectateurs et supporters représentent bien plus que des clients qu’on fait patienter sur les délais de livraison ? Ils sont la raison d’être de ce spectacle qui doit rester vivant.

L’indignation, la mobilisation et l’unité inédite des ultras français puis européens démontrent d’ailleurs à quel point on est en train de crucifier la dimension mystique et spirituelle du foot. Profitant de « l’aubaine » , ne cherche-t-on pas à évacuer le croyant de l’église, l’homo ludens au bénéfice de l’homo œconomicus ? Ce changement de perspective quasi anthropologique laissera forcément des traces au-delà de ces quelques mois de diète.

Une dystopie foot ?

Tous ces éléments font penser que l’on se dirige tout droit donc vers une de ces dystopies qu’on avait juste aperçues dans les fantasmes cauchemardesque d’un Enki Bilal. Toutefois, le processus ne date pas d’aujourd’hui.

La VAR a depuis un certain temps commencé à chasser l’humain et l’aléa du destin de la légende du foot. Tout comme le choix de cette Coupe du monde au Qatar ou d’organiser l’Euro dans plusieurs pays simultanément (pour des motifs essentiellement pécuniaires) contribuèrent à étouffer la précieuse unité de lieu trilatérale de ces compétitions internationales ou encore à réduire la dimension patrimoniale et historique dans le choix du pays organisateurs au rang d’accessoire touristique.

Toutes ces tendances qui ne remontent donc pas au raz-de-marée épidémiologique vont y trouver peut-être la pire des justifications par le bon sens de la calculette… Comme l’ont si bien résumé les ultras granata devant le stade Filadelfia de Turin : « Le véritable virus à éliminer c’est vous qui voulez rejouer »

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